Dans une décision du 8 mars 2024 (CE, 8 mars 2024, n°461520), le Conseil d’Etat est revenu sur la notion d’intérêt personnel des élus, susceptible d’entacher d’illégalité les délibérations prises par les collectivités. En effet, malgré une définition prévue par le code général des collectivités territoriales, il est toujours difficile pour les collectivités d’envisager avec certitude le contenu de cette notion.
Au regard de la loi, « Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires » (article L. 2131-11 du Code général des collectivités territoriales).
La question se pose donc de déterminer le contour du régime juridique du « conseiller intéressé ».
Le « conseiller intéressé » à l’affaire peut être défini comme celui « y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune » (JO Sénat, 14 juillet 2022, p.3623).
Concrètement, deux conditions cumulatives permettent de caractériser l’intérêt personnel que pourrait avoir un l’élu dans le cadre des délibérations prises par une collectivité. Premièrement, l’intérêt de l’élu doit manifestement être différent de l’intérêt général. Deuxièmement, au regard d’une jurisprudence constante la participation ou la présence d’un conseiller intéressé n’est illégale que si cette participation a exercé une influence effective sur le résultat du vote (Conseil d’Etat, 23 avril 1971, Commune de Ris-Orangis, n°74797).
Dans le cas d’espèce, le Conseil d’Etat annule l’arrêt rendu en appel au motif que la cour saisie en appel n’a pas apprécié si la participation des membres du conseil municipal à des délibérations préparatoires ainsi qu’au vote d’adoption de la délibération, a entrainé une réelle prise en compte de leurs intérêts personnels du fait de l’influence exercée par eux.
La Haute juridiction a ainsi posé que « s'agissant d'une délibération déterminant des prévisions et règles d'urbanisme applicables dans l'ensemble d'une commune, la circonstance qu'un conseiller municipal intéressé au classement d'une parcelle ait participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant son adoption ou à son vote n'est de nature à entraîner son illégalité que s'il ressort des pièces du dossier que, du fait de l'influence que ce conseiller a exercée, la délibération prend en compte son intérêt personnel ».
En d’autres termes, il ne suffit pas que des élus locaux participent à l’élaboration et au vote d’une délibération dans laquelle leurs intérêts personnels pourraient éventuellement être pris en compte mais il faut encore qu’ils aient réellement influencé le vote afin « d’assurer la prise en compte de leurs intérêts personnels ».
Par conséquent, le caractère personnellement intéressé de l’élu dans l’élaboration et le vote de délibération ne suffit pas pour annuler une délibération prise, en violation de l’article L 2131- 11 du code général des collectivités territoriales. Les faits doivent nécessairement déterminer que les intérêts personnels de l’élus ont eu une influence effective sur la délibération.
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