Par une décision du 23 octobre 2020 (CE, 23 octobre 2020, Ville de Paris, n° 425457), le Conseil d’Etat a précisé une position qu’il avait déjà adoptée pas plus tard que le 3 avril 2020 (CE, 3 avril 2020, Ville de Paris, n° 422802), pour juger que :
« une contestation relative au défaut d'autorisation des travaux par l'assemblée générale de la copropriété ne saurait caractériser une fraude du pétitionnaire visant à tromper l'administration sur la qualité qu'il invoque à l'appui de sa demande d'autorisation d'urbanisme, l'absence d'une telle autorisation comme un refus d'autorisation des travaux envisagés par l'assemblée générale étant, par eux-mêmes, dépourvus d'incidence sur la qualité du copropriétaire à déposer une demande d'autorisation d'urbanisme et ne pouvant être utilement invoqués pour contester l'autorisation délivrée ».
1. La décision de la plus haute juridiction administrative est intéressante car il arrive très fréquemment, lorsqu’une demande de permis de construire portant sur un bien en copropriété émane d’un copropriétaire et non du syndicat des copropriétaires, que ce dernier conteste le permis de construire délivré lorsque, soit l’assemblée générale n’a pas autorisé ledit copropriétaire à déposer une demande de permis de construire, soit lui a refusé l’autorisation.
Dans ces deux hypothèses, les syndicats de copropriétaires invoquent bien souvent le moyen tiré de la fraude du demandeur pour tenter d’obtenir l’annulation du permis de construire.
Et dans les deux décisions précitées, le Tribunal administratif de Paris avait retenu ce moyen de la fraude pour l’annuler.
2. Cette idée d’une fraude découle de ce que, pour déposer une demande de permis de construire, le pétitionnaire doit fournir l'attestation prévue à l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme, selon laquelle il remplit les conditions fixées par l'article R. 423-1 du même code, ce qui lui permet d’être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande.
Et les syndicats de copropriétaires de soutenir que l’attestation ainsi remplie serait en réalité frauduleuse, puisque l’assemblée générale, soit n’aurait pas autorisé ledit copropriétaire à déposer une demande de permis de construire, soit lui aurait purement et simplement refusé l’autorisation de le faire : autrement dit, le copropriétaire, en remplissait l’attestation, aurait porté une mention fausse constituant une manoeuvre de nature à lui permettre d'obtenir son permis de construire.
3. Le Conseil d’Etat, par les deux décisions précitées, replace la question de l’attestation signée par le copropriétaire, dans un contexte juridique plus général, et refuse de voir une fraude en cas d’absence ou de refus d’autorisation de l’assemblée générale, tout en rappelant que cette contestation éventuelle relève du juge judiciaire.
3.1. Pour bien comprendre, reprenons l’argumentation du Tribunal administratif de Paris qui a, dans l’affaire ayant donné lieu à la décision du Conseil d’Etat du 23 octobre 2020, annulé le permis de construire :
« le tribunal administratif a jugé qu'en attestant de sa qualité pour déposer sa demande de permis de construire alors qu'il ne pouvait ignorer que les travaux, objet de la demande, nécessitaient l'accord préalable de l'assemblée générale des copropriétaires, ni davantage qu'à la date du dépôt de sa demande de permis de construire, il s'était vu refuser l'assentiment de l'assemblée générale des copropriétaires lors des deux réunions qui s'étaient tenues avec sa participation, M. A... s'était livré à une manœuvre frauduleuse entachant d'irrégularité le permis de construire qui lui a été délivré ».
C’est cette argumentation qui est sanctionnée par le Conseil d’Etat.
3.2. Ce dernier rappelle tout d’abord la règle générale selon laquelle :
« sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme selon laquelle il remplit les conditions fixées par l'article R. 423-1 du même code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande ».
C'est cette réserve de la fraude que le Conseil d'Etat écarte en matière de copropriété, en jugeant que :
« une contestation relative au défaut d'autorisation des travaux par l'assemblée générale de la copropriété ne saurait caractériser une fraude du pétitionnaire visant à tromper l'administration sur la qualité qu'il invoque à l'appui de sa demande d'autorisation d'urbanisme, l'absence d'une telle autorisation comme un refus d'autorisation des travaux envisagés par l'assemblée générale étant, par eux-mêmes, dépourvus d'incidence sur la qualité du copropriétaire à déposer une demande d'autorisation d'urbanisme et ne pouvant être utilement invoqués pour contester l'autorisation délivrée ».
3.3. Ce faisant, le Conseil d'Etat précise, s’agissant des biens soumis au régime de la copropriété, que les contestations éventeulles qui pourraient naître s'agissant de l'autorisation de l'assemblée générale, relève du juge judiciaire sans pouvoir affecter la régularité du permis de constuire :
« une demande d'autorisation d'urbanisme concernant un terrain soumis [à ce régime] peut être régulièrement présentée par son propriétaire, son mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par lui à exécuter les travaux, alors même que la réalisation de ces travaux serait subordonnée à l'autorisation de l'assemblée générale de la copropriété, une contestation sur ce point ne pouvant être portée, le cas échéant, que devant le juge judiciaire ».
En effet, précise le Conseil d’Etat:
« le permis est délivré sous réserve du droit des tiers, il vérifie la conformité du projet aux règles et servitudes d'urbanisme, il ne vérifie pas si le projet respecte les autres réglementations et les règles de droit privé. Toute personne s'estimant lésée par la méconnaissance du droit de propriété ou d'autres dispositions de droit privé peut donc faire valoir ses droits en saisissant les tribunaux civils, même si le permis respecte les règles d'urbanisme ».
3.4. Le Conseil d’Etat a donc tiré les conséquences de son raisonnement pour annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris au motif que :
« en statuant ainsi, alors que le défaut d'autorisation des travaux par l'assemblée générale n'est pas susceptible de caractériser une fraude visant à tromper l'administration sur la qualité invoquée à l'appui de la demande de permis, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de droit ».
4. En conclusion :
l’absence ou le refus d’autorisation de l’assemblée générale à un copropriétaire qui a obtenu un permis de construire, ne constitue pas, par eux-mêmes, une fraude susceptible de justifier l’annulation du permis de construire devant le Tribunal administratif ;
la contestation relative à l’absence ou au refus d’autorisation de l’assemblée générale à un copropriétaire qui a obtenu un permis de construire relèvera, le cas échéant, de la compétence du juge judiciaire;
Ainsi, si un permis de construire constitue le préalable nécessaire à la réalisation des travaux, sa délivrance ne permetra pas pour autant, en cas de contestation judiciaire du syndicat des copropriétaires, à son bénéficiaire de le mettre en oeuvre. C'est alors une autre bataille qui s'ouvre...
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