Par une récente décision du 24 février 2020 (CE, 24 février 2020, n° 421291, Commune de Marmande), le Conseil d’Etat a synthétisé sa jurisprudence relative à la question des fonctionnaires stagiaires qui se voient opposer un refus de titularisation en fin de stage.
Au cas d’espèce, le requérant avait été nommé stagiaire à temps complet, à compter du 1er janvier 2014 dans un cadre d'emplois de la fonction publique territoriale. Après l’accomplissement de la durée effective de stage d'un an, le maire de la commune l’a, par un arrêté du 24 juin 2015, rayé des effectifs de la collectivité à l'issue de cette prolongation.
Saisi du contentieux, le Conseil d’Etat a jugé que :
« 3. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne.
4. L'autorité compétente ne peut donc prendre légalement une décision de refus de titularisation, qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, que si les faits qu'elle retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressé. Cependant, la circonstance que tout ou partie de tels faits seraient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de refus de titularisation, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations.
5. Il résulte de ce qui précède que, pour apprécier la légalité d'une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations ».
L’essentiel de ce qui est jugé par le Conseil d’Etat n’est qu’un rappel de la jurisprudence applicable.
Le Conseil d’Etat rappelle ainsi que le stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire, puisque l’autorité administrative sera nécessairement amenée à se prononcer sur sa titularisation – ou non.
La décision sera fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles le stagiaire peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir.
En outre, lorsqu’elle est prise, la décision de refus de titularisation n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, ce qui n’implique pas de communiquer son dossier administratif à l’intéressé ni de lui offrir la possibilité de présenter ses observations (CE, 3 décembre 2003, req. n° 236485).
L’apport de la décision du Conseil d’Etat se trouve ailleurs.
Que se passe-t-il lorsque la décision de refus de titularisation est fondée sur des motifs qui caractérisent certes une insuffisance professionnelle, mais aussi des fautes disciplinaires ?
Dans ce cas, juge le Conseil d’Etat, le stagiaire doit avoir été mis à même de faire valoir ses observations, préalablement à la décision.
Le Conseil d’Etat venait d’adopter la même solution dans le cadre d’un refus de renouvellement de contrat (CE, 19 décembre 2019, req. n° 423685).
Dans l’affaire commentée, le Conseil d’Etat note que la cour administrative d'appel a relevé que l'autorité compétente de la commune de Marmande reprochait au stagiaire, pour refuser de le titulariser :
- des absences injustifiées,
- et le fait que, comme le montraient des attestations concordantes des divers responsables de l'intéressé au cours de son stage, il n'accomplissait les tâches demandées que dans la mesure où elles l'intéressaient.
Le Conseil d’Etat en déduit que la Cour aurait dû admettre que ces faits, quoique constituant en même temps des fautes disciplinaires, pouvaient caractériser une insuffisance professionnelle justifiant légalement un refus de titularisation,imposant toutefois à l'administration de mettre le stagiaire en mesure de présenter ses observations.
Saisies d'une décision de refus de titularisation, les juridictions administratives sont donc conduites à vérifier (si elles sont saisies de ces moyens, évidemment) :
1. qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts,
2. qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé,
3. qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir,
4. et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations.
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